Quand le titre se joue jusqu’au bout : ces saisons de F1 décidées à la dernière course
Depuis 1950, la Formule 1 a vu 28 pilotes être sacrés lors de la dernière course de la saison. Des duels mythiques aux retournements de situation improbables, ces finales font la grandeur du sport : la preuve qu’en F1, rien n’est jamais joué tant que le drapeau à damier n’est pas agité. Retour sur les saisons où tout s’est joué jusqu’au dernier virage.
Les années 70 : Lauda – Hunt, une rivalité légendaire
En 1976, le duel entre Niki Lauda (Ferrari) et James Hunt (McLaren) est devenu légendaire. Lauda domine le début de saison avant de subir, au Nürburgring, un accident terrifiant qui manque de lui coûter la vie. Brûlé, grièvement blessé, il revient pourtant en piste six semaines plus tard, refusant d’abandonner son titre. Pendant son absence, Hunt engrange les points et relance la bataille.
Tout se joue lors de la dernière course à Fuji, sous une pluie diluvienne. Lauda, affaibli et inquiet pour sa sécurité, décide d’abandonner après deux tours. Hunt, lui, fonce vers la troisième place, juste assez pour être sacré champion du monde avec un point d’avance.
Les années 80 : l’âge d’or du duel
Jamais le suspense n’a été aussi fort que dans les années 1980. Cinq titres se sont décidés à la dernière course : de 1981 à 1984, puis en 1986. Cette décennie a vu s’affronter des géants : Prost, Lauda, Piquet, Mansell, Rosberg…
En 1984, Niki Lauda et Alain Prost, tous deux chez McLaren, se livrent un véritable duel. Le jeune Français accumule les victoires, plus rapides et spectaculaires, tandis que l’Autrichien, plus régulier, capitalise sur sa science de la course. Avant la dernière manche à Estoril, Lauda ne compte que 3,5 points d’avance sur son coéquipier. Prost s’impose lors du Grand Prix, mais Lauda, cinquième, sauve l’essentiel : il conserve un demi-point d’avance au championnat, le plus petit écart de l’histoire de la F1.
Et en 1986, le championnat du monde s’achève à Adélaïde, en Australie et Nigel Mansell, Nelson Piquet (tous deux chez Williams) et Alain Prost (McLaren) peuvent encore être sacrés. Mansell, leader avec 72 points, n’a besoin que d’un podium pour devenir le premier champion britannique depuis James Hunt.
Longtemps en position de remporter le titre, Mansell voit malheureusement son pneu exploser à pleine vitesse à vingt tours de l’arrivée, le forçant à abandonner, mettant fin à ses espoirs. Piquet, rappelé au stand par prudence, laisse la voie libre à Prost. Le Français, à court de carburant, gère les derniers tours avec brio et remporte la victoire, et le championnat, pour seulement deux points d’avance.
Les années 90 : un sacre controversé
Le titre 1994 se joue entre Michael Schumacher (Benetton) et Damon Hill (Williams) lors de la dernière manche à Adélaïde. L’Allemand, dominant toute la saison, ne compte qu’un point d’avance après plusieurs pénalités et une suspension qui ont relancé son rival britannique. Au 36ᵉ tour, Hill tente une attaque à l’intérieur. Schumacher ferme la porte, les deux voitures s’accrochent et abandonnent. Le pilote Benetton conserve ainsi son avance d’un point et décroche son premier titre mondial.
Les années 2000 : une belle revanche pour Hamilton
Après une période de domination signée Schumacher, la fin des années 2000 a offert deux finales consécutives d’anthologie. En 2007, trois pilotes arrivent à la dernière course encore en lice pour le titre : Lewis Hamilton, Fernando Alonso (tous deux chez McLaren) et Kimi Räikkönen (Ferrari). Le jeune rookie britannique mène confortablement, mais un départ manqué et un problème de boîte de vitesses bouleversent tout. Räikkönen s’impose au Brésil et coiffe tout le monde sur le fil pour un seul point.
L’année suivante, Hamilton et Massa rejouent un scénario encore plus fou, toujours à Interlagos. Felipe Massa triomphe à domicile au Brésil, croyant offrir un nouveau sacre au public de São Paulo. Dans le clan Ferrari, la fête éclate : Massa est champion du monde… jusqu’à l’avant-dernier virage. Sous la pluie, Lewis Hamilton dépasse Timo Glock à 200 mètres de la ligne et récupère la 5ᵉ place, celle qui lui permet de devenir champion du monde… pour un point. Massa aura été champion du monde pendant seulement trente secondes.
Années 2010 : quatre pilotes en lice, un scénario inédit
La saison 2010 entre dans l’histoire comme la première à voir quatre pilotes encore en lice pour le titre mondial avant la dernière course à Abu Dhabi : Fernando Alonso (Ferrari), Mark Webber, Sebastian Vettel (tous deux chez Red Bull) et Lewis Hamilton (McLaren). Avant cette ultime manche, Alonso mène le championnat avec 246 points, devant Webber (238), Vettel (231) et Hamilton (222).
Alonso, solide leader, semble en route vers un troisième titre, mais il voit ses espoirs s’envoler après une erreur de stratégie de Ferrari qui le bloque dans le trafic. Webber, deuxième du championnat, part favori dans l’équipe Red Bull, mais une stratégie ratée et une voiture difficile à gérer lui font perdre toute chance. Hamilton, un peu plus loin au classement mais toujours mathématiquement en lice, a fini 2ème, ce n’a pas été suffisant. Pendant ce temps, Vettel, alors âgé de 23 ans, s’échappe en tête et remporte la course. Il devient le plus jeune champion du monde de l’histoire, au terme d’une saison exceptionnelle.
Années 2020 : le chaos d’Abu Dhabi
La dernière saison à s’être jouée dans le tout dernier tour reste celle de 2021, l’une des plus intenses de l’histoire. Hamilton et Verstappen arrivent à Abu Dhabi à égalité parfaite, avec 369,5 points chacun. Le Britannique file vers un huitième sacre quand un accident de Latifi provoque une voiture de sécurité et relance tout. Dans le dernier tour, Verstappen, chaussé de pneus tendres neufs, dépasse Hamilton dans un duel à couper le souffle et devient champion du monde. Une fin de saison d’anthologie, encore discutée aujourd’hui, qui rappelle à quel point la Formule 1 sait être imprévisible, jusqu’à la dernière seconde.
La saison 2025 pourrait bien rejoindre les plus grandes finales de l’histoire de la F1 : avec Lando Norris en tête à 390 points, Oscar Piastri à 366 points et Max Verstappen à 341 points après le Grand Prix du Brésil, les trois hommes restent mathématiquement en lice pour le titre. Tant que 83 points restent à distribuer, rien n’est gagné et il est tout à fait possible que le sacre se joue à la dernière course entre ces trois prétendants.