Prost revient sur la F1 actuelle, Hamilton, Schumacher et Vettel
Quadruple champion du monde (1985, 1986, 1989 et 1993), Alain Prost est toujours un acteur du sport automobile dont la parole est écoutée car plutôt rare. Inexorablement lié à Ayrton Senna, avec qui il a partagé une rivalité dont l’aura dépasse le simple cadre de la Formule 1 pour s’étendre à celui du sport tout entier, son passage en F1 ne se résume pas à cela. Débutant en catégorie reine en 1980 avec l’écurie Renault, il a connu l’épopée des moteurs turbo, les risques permanents de blessure ou de mort, l'évolution de la F1 vers encore plus de professionnalisme, les joies de la victoire, mais aussi, après sa carrière, les bonheurs et surtout les peines du poste de manager d’équipe avec Prost Grand Prix.
Interrogé par nos confrères du quotidien <i>L’Equipe</i>, c’est avec une certaine distance que "le Professeur" regarde la F1 version /f1/actualite/11489-le-management-de-lewis-hamilton-critique-par-son-pere.html : « Le spectacle offert cette saison a été beau. Après, c’est difficile de juger… ». Prost se montre plutôt satisfait des de certains aménagement règlementaires : « C’est quand même mieux sans les ravitaillements ; les pneus durs et les pneus tendres, c’est très bien, même si je préconisais un troisième type de pneus, mi-tendres, pour faire davantage de différences. Je ne critiquerais pas l’arrivée des petits moteurs à partir de 2014. C’est un bien ou un mal nécessaire pour changer la philosophie de la F1. La F1 doit rester un show, un spectacle qui amène quelque chose à Monsieur Tout-le-monde ».
Concernant d’éventuelles critiques : « C’est dur d’être critique, car on est dans une situation économique très difficile. Vous pouvez imaginer plein d’améliorations, mais elles couteraient très cher. On peut trouver dommage de figer le régime moteur […] Autre critique, figer les voitures du samedi au dimanche. A part faire tourner les F1 pour permettre aux ingénieurs de trouver une stratégie pour le dimanche, choisir entre pneus durs et tendres, il n’y a presque plus de mise au point » regrette le seul Français champion du monde de Formule 1.
Interrogé justement sur le rôle du pilote, Alain Prost se montre réaliste : « Il a toujours son importance, mais ne fait plus la même chose. On lui demande de la rapidité et du punch. Si la voiture a un potentiel, on va l’exploiter. Regardez, parfois entre deux coéquipiers, il n’y a qu’un dixième d’écart. […] Le pilote est moins complet, mais ce n’est pas ce qu’on lui demande ».
Lorsqu’on lui demande quels pilotes actuels lui plaisent, sa réponse est sans ambages : « Aujourd’hui, il est impossible de dire quel pilote est plus spectaculaire qu’un autre », rappelant qu’en son temps, il était plus facile de faire la différence entre des pilotes spectaculaires comme Rosberg, Alesi ou Senna et des pilotes plus coulés comme Lauda ou lui-même. « A la limite, je m’attache plus aux comportements. Vettel est impressionnant, car il est toujours là, même quand on croit que cela pourrait mal basculer. […] Pour une équipe, avoir un gars solide comme Alonso, c’est vraiment top. J’ai un faible pour les personnages Button et Webber. Ils ont la classe, même s’ils peuvent être chauds de temps en temps. J’apprécie aussi Rosberg qui est complètement sous-exploité ».
Sur les deux pilotes qui font le plus parler actuellement, Prost est plus sévère : « [Schumacher], je le mets à part… Il y a des retours qui peuvent être programmés, avec des objectifs. Si l’objectif était de devenir champion du monde, alors c’était ridicule de le faire. Si c’était d’aider Rosberg et Mercedes à être champions du monde ou performants, alors c’aurait été noble et positif. Au final, ce n’est bien pour personne ». Sur le cas Hamilton : « Il est plus agressif, mais pas spectaculaire dans les dépassements ». Rejoignant <a href="/f1/actualite/11489-le-management-de-lewis-hamilton-critique-par-son-pere.html" target="_blank" title="">les propos d’Anthony Hamilton</a>, il estime que le pilote McLaren est trop agressif et qu’il devrait être calmé par son manager « car il a un talent incroyable et le gâche un peu ».
Questionné sur le futur double-champion du monde, Sebastian Vettel, Alain Prost est admiratif : « Il a beaucoup mûri et son second titre est peut-être meilleur que le premier. Il prend toujours des risques importants mais son approche des courses est meilleure et il a fait preuve de beaucoup de maitrise cette saison ».
Enfin, sur l’épineux sujet de la Formule 1 en France, le quadruple champion du monde estime qu’il s’agit surtout d’un problème de mentalité : « De tous les pays européens, la France est le plus autophobe. Maintenant, la situation économique et environnementale rend tout très compliqué. Il faudrait retrouver une synergie avec, à la base, un constructeur et un partenaire bien ciblés. Réécrire une histoire comme Renault et Elf au début des années 1980. Derrière, il y a eu la technologie du moteur turbo, les écoles de pilotage, dont j’ai fait partie ». Pour finir, il est aussi revenu sur les pilotes français prétendants à la discipline reine : « Il y en a des bons. Ceux qui sont en GP2 : Pic, Bianchi, Grosjean, mais aussi Jean-Eric Vergne. Après, c’est dur de juger dans ces Formules de promotion, même s’ils sont rapides. Pour la F1, il faut qu’ils soient bons sur le plan de la personnalité, de l’intégration dans les équipes, toutes anglo-saxonnes ou italiennes ».