Bientôt plus de pneus pour les pilotes en qualifications ?
Alors que Bernie Ecclestone souhaiterait fournir un train de pneus supplémentaire aux pilotes qualifiés en Q3 afin d’éviter qu’ils ne restent aux stands pour économiser des pneus pour la course, et bien que Pirelli assure être prêt à mettre cela en place immédiatement, les écuries s’y opposent.
Bien que Pirelli contribue au spectacle depuis maintenant deux saisons, en proposant aux écuries des pneus ayant une durée de vie volontairement courte, la gestion desdits pneumatiques dès les qualifications en a été l’un des revers de la médaille. Il n’est en effet pas rare, depuis l’année dernière, de voir des pilotes qualifiés en Q3, préférer économiser des pneumatiques pour la course plutôt que de les user, en vain, jugeant n’avoir aucune chance de se battre pour la pole position.
Dès l’année dernière, le manufacturier milanais, conscient du problème, avait proposé l’introduction de pneus de qualifications, une proposition restée lettre morte, jusqu’à ce que Bernie Ecclestone n’ouvre à nouveau le débat dans un entretien accordé au site Internet Pitpass.com où il propose que les pilotes disposent d’un train de pneus supplémentaire juste pour la Q3 : « Ce qui est très mal avec les qualifications, pour le moment, c’est le fait que certains pilotes pensent qu’ils ne peuvent pas jouer la pole position alors ils préfèrent économiser des pneus pour la course. J’ai dit que la chose à faire était qu’ils disposent tous d’un autre train de pneus afin qu’à la fin des qualifications, ces pneus disparaissent et qu’il n’y ait rien à économiser. Ils seront obligés de changer. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un autre train de pneus et alors ils feront plus de tours en qualifications. »
Concrètement, tous les pilotes qualifiés en Q3 recevraient un train de pneus neufs supplémentaire qu’ils devront restituer après les qualifications, ce qui devrait, théoriquement, encourager toutes les écuries à rouler en Q3. Par conséquent, pour la course, les pilotes qualifiés en Q3 ne seraient plus obligés de s’élancer avec les pneus avec lesquels ils ont réalisé le meilleur temps, mais avec un nouveau train de pneus du même composé. Interrogé par le magazine italien Autosprint, Paul Hembery, directeur de Pirelli Motorsport estime qu’une telle disposition pourrait être immédiatement applicable : « Nous pourrions le faire immédiatement. Nous pourrions venir avec des gommes spécifiques ou garder les composés actuels, mais les écuries disent que le format est très bien, que le public aime les stratégies de pneus. Mais si les fans dans les tribunes ne voient pas assez de voitures courir en Q3, alors ils en rejettent la faute sur Pirelli, pensant qu’on ne veut pas dépenser plus d’argent pour fournir davantage de pneus. »
Mais les écuries doutent de l’intérêt réel d’une telle mesure : « Nous avons eu de nombreuses discussions, je pense, entre les écuries à propos de la situation des pneus en qualifications. Nous pensons que la règle actuelle est OK. Nous ne soutiendrions pas des pneus supplémentaires et je pense que si vous regarder les statistiques la plupart de ces écuries [qui ne sortent pas en Q3] ont déjà fait plus de tours auparavant, alors je ne pense pas que ça changerait vraiment grand-chose pour les spectateurs », estimait Monisha Kaltenborn (Sauber) lors d’une des conférences de presse FIA organisées à l’occasion du Grand Prix de Monaco.
Chez Mercedes, qui s’est souvent résignée à ne pas boucler le moindre tour en Q3 afin d’économiser des pneus neufs pour la course, Ross Brawn assure ne pas avoir un avis ferme et définitif sur la question : « Bien sûr, les gens viennent voir des voitures courir et même lorsqu’il y a des autos qui ne sortent pas, il reste toujours six ou sept voitures qui se bagarrent pour la pole position. Les écuries qui ne sortent pas, généralement, se sont elles-mêmes résignées au fait qu’elles ne peuvent pas se battre pour les premières places et je pense que pour ces équipes, pouvoir préserver leurs pneus, est d’une certaine manière, une compensation pour leur performance dans la première partie de la course. […] Le spectacle est-il vraiment gâché parce que certaines voitures en fond de Q3 ne roulent pas ? Je n’en suis pas certain. Je pense que tout le monde se concentre sur ce que font les gars qui se battent pour la pole position. Mais s’il est avéré que les fans veulent voir dix voitures se battre tout le temps en Q3, alors nous accepterons des pneus supplémentaires. »
Franck Williams s’avère quant à lui plutôt favorable à cette mesure dont il estime qu’elle pourrait favoriser les outsiders : « Je pense que c’est probablement une bonne idée si on considère que ça donne à toutes les écuries une meilleure chance. Si vous êtes vraiment une écurie expérimentée avec un brillant ingénieur pour gérer les choses et que vous n’avez que trois trains de pneus, vous en tirerez toujours le meilleur. Si vous n’avez pas une telle personne, vous serez toujours handicapé. S’il y a un quatrième train de pneus, ça pourrait aider une des écuries les moins bien armées. »
Toujours est-il que pour Bernie Ecclestone, les pneus Pirelli ne sont pas à remettre en cause et le Britannique tient d’ailleurs à défendre le manufacturier italien et à la féliciter pour sa contribution au spectacle, en réponse aux critiques formulées par certains pilotes : « Pirelli a fait du super boulot. Un travail fantastique. […] C’est plus difficile pour eux de concevoir des pneus qui ne peuvent tenir que 30% de la course et qui chutent en performance, que de faire des pneus qui durent toute la course. »
Le grand argentier de la F1 rappelle par ailleurs que la firme de Milan a conçu ces pneus sur demande et non de sa propre initiative : « Ca faisait partie de l’accord que j’avais avec eux que les pneus ne durent qu’un certain temps en course. C’est impressionnant qu’ils y soient parvenus. Ils auraient pu facilement se tromper de direction avec des pneus qui durent 10 tours ou, au contraire, toute la course. Techniquement, c’est un énorme accomplissement et, honnêtement, je ne pensais pas qu’ils y arriveraient. »
Paul Hembery estime quant à lui que les problèmes que rencontrent certains pilotes et/ou écuries ne sont pas liés aux pneumatiques eux-mêmes, mais à la réglementation : « Ce qui a change, profondément, c’est la manière dont les pneus sont utilisés. […] Avoir modifié la configuration des échappements dans le règlement a indubitablement rendu les voitures moins stables, ça génère du patinage et la bande de roulement chauffe, donc c’est normal que vous ne puissiez pas utiliser les pneus. »